lundi, novembre 09, 2009

Grandes écoles vs Universités : l'éternel débat français

L'autre jeudi, un intéressant reportage à la télévision dans "Envoyé Spécial" (France2) sur les classes préparatoires aux Grandes Ecoles.

Le sujet se présente ainsi :

"Aujourd’hui 10 % des lycéens qui viennent d’avoir le bac intègrent une classe prépa. Parcours d’excellence pour réussir les concours prestigieux des grandes écoles mais parfois aussi la peur de l’université et de l’échec. Pendant deux ou trois ans, ces jeunes vont devoir mettre leur vie entre parenthèse pour se consacrer exclusivement au travail. De moins en moins de loisirs et de temps libre, des nuits blanches, des week-ends à bûcher, c’est le quotidien des étudiants de prépas, un des moyens pour espérer réussir le concours d’une grande école. Comment justifier ce système unique au monde ? Comment fabrique-t-on des bêtes à concours ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pendant un an, nous avons suivi deux classes prépas dans le prestigieux lycée Lakanal en banlieue parisienne : une première année scientifique dont les élèves espèrent passer dans la classe supérieure et une deuxième année littéraire qui espère réussir les concours. Une année d’espoir, de désillusion, de réussite aussi."

Lové sur mon canapé, mon esprit vagabonde et je repense à mes 3 ans de prépa au Lycée Buffon (Bass'Buff pour les intimes). Déjà, il faut être très franc : il y a quelques temps, j'ai eu l'occasion de tomber sur un forum "prépa" et je n'y comprenais plus rien ! Je serais bien incapable de "raccrocher les wagons" aujourd'hui, tout ceci est très très loin au fond de ma mémoire. Je dirais même que si je devais repasser le Bac demain sans aucune révision, j'échouerais sûrement.
Quand j'ai été reçu à Centrale Lille, j'avais l'appréhension de partir à Lille (qui avait une sinistre réputation dans mon esprit, très vite démentie). J'ai déjà raconté combien j'avais été content de revenir ponctuellement dans le lieu où j'ai sûrement passé les meilleures années de ma vie.

Le système des prépas et des grandes écoles est sur la selette depuis des années (déjà, il y a 25 ans , quand j'y étais les polémiques étaient à peu près similaires). pourtant, force est de constater que ça ne bouge guère, même si un effort réel semble fait pour rendre les prépas accessibles à une forte proportion de boursiers.

Ceci m'a aussi remis en mémoire un article de Damien Lorton que j'avais lu ici en septembre dernier. Polytechnicien (X-Ponts), Lorton ne crache pas dans la soupe mais exprime de manière très pertinente un certain nombre de désillusions quant à l'efficacité du système.

Laissez-moi citer quelques extraits (c'est moi qui souligne en gras quelques mots) :

En France, l’école ne forme pas, elle sélectionne. Cette vérité ressort avec force lorsqu’on se penche sur ses classes préparatoires : les taupins veulent-ils réellement devenir ingénieurs, tandis que les écoles dont ils ambitionnent tellement « l’intégration » portent encore ce nom ? N’est-il pas absurde de se destiner au BTP ou à l’aéronautique suivant que l’on ait réussi à décrocher les Ponts et Chaussées ou seulement Suparéo, suivant que l’on se soit montré plus ou moins inspiré face à sa copie un beau matin du mois de mai de ses vingt ans ? Mais rassurons-nous : cette absurdité n’est qu’apparente dans la mesure où les écoles d’ingénieur n’ont plus d’ingénieur que le nom. A l’époque où je fréquentais les Ponts et chaussées, une infime minorité d’élèves choisissaient l’apprentissage des techniques de construction, la majorité se tournant vers l’économie et la finance. Ce constat peut être étendu à l’ensemble des formations d’ingénieur en France : la banque et le conseil représentent désormais les premiers employeurs de jeunes diplômés, bien avant les entreprises industrielles.

ou encore

Curieusement en France, le choix précoce d’un métier signe l’échec scolaire. Le must consiste au contraire à repousser autant que possible sa spécialisation et à se maintenir dans les voies les plus généralistes, avec à la clé le précieux sésame d’une école que l’on souhaite la plus prestigieuse possible, et comme unique perspective le loisir de pouvoir le lustrer avec une nostalgie maniaque tout le reste de sa vie. Le concours a comme fonction de séparer à jamais les élus des autres, dans une dramaturgie de l’irréversibilité où chacun est habité par le sentiment de jouer son existence entière. D’un côté les admis et de l’autre les recalés : les premiers se saisiront avec allégresse de leur viatique comme s’ils avaient acquis une quelconque supériorité ontologique sur les seconds, lesquels ressasseront amèrement leur échec sans jamais véritablement pouvoir s’en délivrer.

Ce que dit Damien Lorton est vrai !
Et je n'ai pas vraiment de solution à proposer.
Force est de constater dans la vie professionnelle que le système un peu élitiste de Grandes Ecoles génère des individus qui ont acquis une bonne méthode de travail. Au-delà de ça, cette capacité de pouvoir se reposer toute sa vie sur un diplôme est grotesque.
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